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Playmusicmagazine.com : grosse fatigue

Playmusicmagazine.com est un magazine norvégien réalisé avec le logiciel Adobe Flash, couvrant la mode, les nouveaux médias, et d’autres sujets sous l’angle de la musique. Une édifiante fumisterie.

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Ça faisait longtemps que je ne m’étais pas perdu en eaux si troubles : cet article relate une ballade sur le réseau, à l’issue de laquelle je me suis senti profondémment agacé par les perfides pratiques de certains opérateurs convertis au marketing en ligne. J’ai voulu laisser ici une trace de ce petit parcours navrant dans le monde merveilleux de la communication.

Comment j’ai échoué sur Playmusicmagazine.com n’a pas vraiment d’importance. En entrant dans le dernier numéro, j’ai remarqué que Playmusicmagazine.com contenait de la publicité. Il est même tout entier un produit de communication publicitaire, si l’on considère qu’il est globalement sponsorisé par Coca-Cola et que ses articles « vendent » de la musique ou d’autres produits, comme le ferait MTV ou encore MCM (voir ici, à titre d’exemple, la composition du capital de MCM pour comprendre la réelle mission de vente d’un projet de ce type).

Sur le principe à présent connu d’un fichier interactif inspiré de la mise en page d’un magazine papier, Playmusicmagazine.com se présente sous l’apparence d’un « magazine d’information » traitant de sujets « tendance » orientés « musique ». Il n’en est évidemment rien puisque chaque sujet racoleur n’est que prétexte à des liens vers des sites commerciaux, exceptés quelques médiocres reportages vidéos redirigés sur YouTube.

Playmusicmagazine.com ravira peut-être les afficionados du logiciel propriétaire Adobe Flash (dont je ne fais pas partie), en exploitant intelligemment ses ressources. Voir notamment le numéro de ce mois-ci (Issue #05 may 2007) – étrangement référencé dans l’onglet « back issue » sous le numéro 39 (Issue #39), contenant des chapitres consacrés aux meilleures vidéos (« Best Videos Ever ») des 70’s, 80’s, 90’s, etc. Ce numéro, comme tous les autres de ce magazine, n’est cependant à mes yeux qu’une preuve supplémentaire de la complexité des pieuvres médiatiques et publicitaires mises en place par de grands groupes de vente, dont Adobe Flash est malheureusement trop souvent (CQFD) l’arme de prédilection. Rappelons que Adobe Flash encapsule code et ressources graphiques dans un format propriétaire (.swf, mais aussi .flv ou encore FlashPaper) non-extractible directement, protégeant ainsi son contenu, mais ne respectant pas la norme d’accessibilité W3C et obligeant à passer par un lecteur (plugin Flash). Ainsi, il m’est impossible de créer un lien direct vers les exemples dont je vais parler maintenant, puisque la navigation interne au magazine conçu en Flash échappe aux balises ou URI habituellement utilisés en ligne conformément aux normes W3C (lire à ce sujet « Le choix de Flash » sur multimedialab).

Deux exemples sournois tirés du numéro de mai 2007 :

Issue #05 may 2007, page 26/27.

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Les articles présentent des projets de « Street art » (thème central de ce numéro), comme par exemple http://windowzoo.com. Je reprends le texte de l’article :

« Windowzoo » est une des premières communautés de projets artistiques au monde. Le projet transforme chacun des participants en artiste et chaque lieu en espace d’exposition. Trouvant son origine dans le « street art », Windowzoo a été plus loin et généré un nouveau genre d’intervention urbaine non-destructive »

Bien ! En fait, il s’agit d’autocollants représentant des oiseaux (flamand rose, colibri, canard, aigle, etc) disponibles à la vente (30 $ le package de deux autocollants) à apposer sur des fenêtres de lieux publics. Vous pouvez ensuite uploader gratuitement (grâce au login secret contenu dans le package !) une photo de votre autocollant en situation (vous êtes donc devenus artiste et avez transformé un lieu public en espace d’exposition, wow !), et vous recevrez pour cette peine un nouvel autocollant gratuit.

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Lorsqu’on sait que Till Bay et Bernd Schoeller, les auteurs de ce désolant projet, sont professeurs de « Software Engineering » à l’École polytechnique fédérale de Zurich, on est en droit de se poser quelques questions. Ils ont cependant la décence de citer leur nom dans la page « About » du site en se qualifiant de « Hackers », la lecture de l’ensemble de cette page atteignant par ailleurs des sommets de cynisme.

Issue #05 may 2007, page 20/21.

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Parmi les quelques articles édifiants sur le « street art » dans diverses villes d’Europe, celui consacré à Londres (page 20/21) offre (outre trois ligne et demi parfaitement débiles) la possibilité d’écouter le groupe « Good Shoes » (wow! j’en rêvais justement), puis offre généreusement un lien vers l’artiste Banksy (pourquoi gaspiller un clic ? il ne s’agit pas d’un lien vers le site de Banksy, mais bien vers un film sur YouTube, sonorisé avec la musique d’un autre groupe également à vendre : The Futureheads), puis un autre vers http://www.thelondonpolice.com, faux site rabattant en fait vers http://www.abluechicken.com, une « plateforme en ligne de vente d’art moderne spécialisée dans la vente d’oeuvres de qualité à prix abordables », sur la page de Bob Gibson, l’artiste en question.

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Pour corser le tout et être complet, sachez que Playmusicmagazine.com est accessible via http://www.magwerk.com, propriété de BF Blogform Social Media GmbH, elle-même une émanation de http://newthinking.de, « groupement d’information et laboratoire expérimental » prônant et proposant des solutions pour entreprises basées sur le web 2.0 et des outils Open Source, Linux et WordPress, s’offrant ainsi une intégrité sur le dos du logiciel libre (« une technologie, mais aussi une adhésion aux principes d’une société pluraliste et durable »). On croit rêver.

Ainsi, “Readers Edition”, autre projet Beta de « plateforme communautaire de publication » (sous le très démagogique slogan « devenez vous-même journalistes ») conçu par BF Blogform Social Media GmbH arbore fièrement l’utilisation de WordPress et la liste de ses plugins-auteurs. C’est dire la complexité et l’inextricable tissage de stratégies et d’enjeux économico-financiers en oeuvre dans ce type de réseaux de communication.

Ne soyons pas paranos : il est sans doute inutile de voir des pièges partout. Cependant, la question « Ã  qui profite le crime ? » est plus que jamais utile, tant les nouveaux médias rendent opaques et peu accessibles les motivations de ces promoteurs masqués, véritablement dissimulés sous leurs nombreux paravents. Le marketing viral tente de s’infiltrer jusqu’aux moindres recoins de vos promenades en ligne. Et il y réussi plutôt bien.

En son temps (2004), Josh On avait réalisé l’excellent http://www.theyrule.net, révélant les collusions entre les grands groupes financiers mondiaux. Ironie suprême, theyrule.net est hébergé gracieusement par http://www.mediatemple.net, le même hébergeur que Playmusicmagazine.com.

Tristesse.


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