multimedialabpoule

Frédéric Gaillard ne se refuse rien

Cigares & whisky pour une nouvelle installation de Frédéric Gaillard au musée Ianchélévichi de La Louvière !

index01_482.jpg

C’est le principe des vases communicants : pendant que se succèdent les campagnes de revalorisation en faveur de la recherche scientifique, les pratiques artistiques explicitement liées aux sciences se multiplient. Toutes ne se chauffant pas du même bois, l’art contemporain hérite pêle-mêle d’une descendance bigarrée et captivante, issue de Léonard de Vinci et passant par Marcel Duchamp.

Mais depuis Dada, on n’arrête plus le progrès : la machine s’emballe. Impossible ici de citer toutes les disciplines, mais les classes de physique (László Moholy-Nagy, Jean Tinguely, Alexander Calder), de cybernétique (Nicolas Schöffer), de mathématiques (Sol LeWitt), d’électronique (Nam June Paik) ou d’informatique (Vera Molnar) font toujours salle comble.

Sur le campus, on croise de jeunes artistes en sciences appliquées comme Olafur Eliasson, Carsten Nicolai, Carsten Höller, ou nos compatriotes Ann-Veronica Janssens, le peintre Marcel Berlanger et le collectif bruxellois lab[au] : précis, logiques, technoïdes.

En milieu de terrain, un groupe d’ingénieurs-plasticiens bien inspirés et, oserait-on dire, poétiques : parmi eux, notre Panamarenko national, Rebecca Horn, ou encore Arthur Ganson. En électron libre, on croise le capitaine d’industrie Wim delvoye au volant de sa Cloaca.

Et puis là, au fond de la classe, près du radiateur, il y a les savants fous, les iconoclastes vraiment allumés mais très perspicaces : le suisse Roman Signer, par exemple, ou encore les très belges Gwendoline Robin et Frédéric Gaillard.

Nous y voilà : cette arborescence un peu laborieuse, incomplète et partiale, nous amène enfin à ce bon Fred. Druide chimacien, et donc probablement tombé dans une marmite de houblon quand il était petit, Frédéric Gaillard développe depuis une bonne dizaine d’années son sens aigu de la chimie amusante dans une oeuvre très personnelle : un mélange de système D, de cuisine quatre étoiles, de plomberie artisanale et de comédie tragique.

Combinant des matériaux plutôt familiers dans des postures inattendues, les processus expérimentaux de Frédéric Gaillard se montrent à la fois ambitieux et dérisoires : ils fonctionnent efficacement pour eux-mêmes, semblent utilement préoccupés de leur sort, et leur discrétion nous intrigue. L’effet produit est autant impressionnant qu’ironique : l’humour parvient d’abord à nous duper, en masquant sous la farce une dimension bientôt pathétique.

Ses habiles démonstrations, par leur côté low-tech, semblent souvent sur le point d’échouer. Et pourtant, non. Elles fonctionnent et bouillonnent, haletantes, toussotantes, produisant buée, rosée ou fumée dans des mouvements suspects, mais bel et bien réguliers. Le temps qui s’écoule est un facteur décisif. Même statiques, ses objets ou installations ont l’air de couver quelque chose, de macérer ou de fermenter. On s’inquiète.

J’écoute maintenant la radio. Interviewé par Jean-Pierre Jacqmain dans « Matin-Première », Albert Jacquard, en grande forme dès l’aube, lâche cette phrase de but en blanc : « La science, c’est la loyauté vis-à-vis du réel ». Hum. En l’occurrence, Frédéric Gaillard est un gars super-loyal. Pas de camouflage. Il n’a rien d’un magicien : il teste en laboratoire, il peaufine, il rumine son plan avant de le dévoiler. Mais même si il laisse apparaître les moteurs rotatifs, les poulies et les pompes à air, il reste un mystère : celui du réel, justement.

p8170046_03_482.jpg

Sur les beaux croquis de son installation pour le musée Ianchelevichi de La Louvière, un homme invisible semble faire les cent pas, cigare au bec. Pour corser le tout, un dispositif devrait diffuser une odeur de Whisky dans la pièce. Comme pour d’autres projets, Frédéric Gaillard me décrit d’un ton soucieux les graves difficultés techniques qu’il doit surmonter, et je me régale d’emblée de ses confidences exclusives…

p8170044_04_482.jpg

À force de défier la science, les lois de la physique jouent en sa faveur : si il doit faire machine-arrière et que ses cigares au whisky tournent en eau de boudin, ça marche déjà tout seul, rien que d’en parler…

Marc Wathieu, septembre 2007.

Référence de la publication :
« Frédéric Gaillard ne se refuse rien » par Marc Wathieu,
in « On n’a pas tous les jours 20 ans », catalogue, Musée Ianchelevici, 2007.
ISBN 9782960060553

Frédéric Gaillard expose sa machinerie tabagique au musée Ianchélévichi de La Louvière, du 13.10.2007 au 22.12.2007. Commissariat / curator : Pierre-Olivier Rollin.

icon_zip_big.gifTélécharger l’article (PDF zippé).

Liens :

  • Le site de Frédéric Gaillard.
  • Le site du Musée Ianchelevichi.

  • Post a comment

    You must be connected to post a comment.